L'EMPLOYÉ PEUT-IL REFUSER DE SE RENDRE A SON LIEU DE TRAVAIL PAR PEUR D'ÊTRE INFECTÉ DU COVID-19 ?

A l’image des regroupements et des rassemblements, le lieu de travail est aussi un lieu de rencontre, donc, potentiellement source de dissémination du virus.

Ainsi, face à la menace de plus en plus grandissante de la propagation du coronavirus, l’employeur et les salariés doivent désormais mettre en place des moyens afin d’éviter une contamination en chaîne, surtout en cette période de retour des employés dans leurs services respectifs, suite aux mesures d’assouplissement aux allures de déconfinement prises par nos gouvernants. 

Dans les pays occidentaux et asiatiques comme la France ou la Chine par exemple, le télétravail est devenu une réalité. « Au Sénégal, bien qu’il existe aujourd’hui des cas confirmés de personnes contaminées, la législation sur le travail ne parle pas d’épidémie, ni de pandémie mais elle évoque plutôt le lexique « santé et sécurité ». D’où l’importance et l’urgence de se poser des questions sur les mécanismes juridiques,  sur le droit de l’employé, sur le rôle du comité d’hygiène et de sécurité et aussi sur le rôle de l’employeur au cas où un salarié est suspecté en cette période.

1. Les mécanismes juridiques


La législation sénégalaise, en matière de droit du travail, est composée du code du travail, de la convention collective nationale interprofessionnelle (CCNI) de 1982 et de l’application des décrets. La nouvelle Convention collective nationale interprofessionnelle date du 30 décembre 2019. Elle est entrée en vigueur le 08 janvier 2020 dernier.

Le code du travail et la CCNI stipulent que l’employeur est responsable de la sécurité et de la protection de la santé physique et mentale du salarié. A ce titre, il doit prendre des mesures de prévention pour assurer la sécurité physique et mentale. Ainsi, l’article 176 du code du travail prévoit : « l’état de santé des travailleurs doit être soumis à une surveillance régulière dans les conditions et suivant les modalités fixées par l’autorité administrative. Cette surveillance comporte un examen médical préalable à l’embauche et des examens périodiques ». L’article 178 précise : « les employeurs doivent prévoir, en cas de besoin, toutes mesures permettant de faire face aux situations d’urgence et aux accidents y compris des moyens suffisants pour l’administration des premiers secours ».

2. Le droit de retrait de l’employé

Le code du travail insiste sur la sécurité des travailleurs et la prise imminente de mesures de protection par l’employeur. « Le salarié, à travers la CCNI, a deux dispositions légales pour ne pas être confronté à un péril comme le coronavirus. D’abord, il y a l’article 103 consacré au droit d’alerte : « le travailleur signale immédiatement à son supérieur hiérarchique direct et à l’inspecteur de Travail et de la sécurité sociale du ressort, toute situation dont il a motif de penser qu’elle présente un péril grave, imminent pour sa vie ou sa santé ». La disposition légale va plus loin avec le droit de retrait conformément à l’article 104 de la CCNI : un travailleur qui, en cas de danger grave et immédiat ne pouvant être évité, s’éloigne de son poste de travail ou d’une zone dangereuse ne peut en subir aucun préjudice et doit être protégé contre toute conséquence dommageable et injustifiée ».

Ainsi, le salarié doit simplement suivre la procédure prévue par les différentes législations sociales en cas d’exercice du droit de retrait. Résultat, un salarié peut refuser de travailler dans une zone à risque en invoquant son droit de retrait. Il en est ainsi, par exemple, si plusieurs cas d’infections sont déclarés dans la zone. Toutefois, le simple risque d’épidémie ne saurait justifier le droit de retrait.

3. L’obligation du Comité d’hygiène et de sécurité au travail

Par ailleurs, le décret  2006-1261 du 15 novembre 2006 fixant les mesures générales d’hygiène et de sécurité dans les établissements de nature, a clairement mis en avant les responsabilités de l’employeur face à la prise en charge de la question de la salubrité dans les entreprises en mettant un accent particulier sur la dimension genre.
Rappelons également que toute entreprise d’au moins 50 salariés est tenue d’avoir en son sein un Comité d’hygiène et de sécurité au travail conformément au décret 94-244 du 7 mars 1994. Le salarié peut saisir le comité d’hygiène et de sécurité au travail dans la procédure pour faire valoir son droit de retrait.

4. La mise en quarantaine d’un salarié suspecté

L’employeur ne peut pas demander d’office à un salarié de ne pas venir travailler en raison d’une simple suspicion de contamination. Lorsqu’il a des suspicions, il doit recourir aux services du Médecin du travail afin que celui-ci prescrive l’arrêt de travail. À défaut, l’employeur court le risque d’être poursuivi pour discrimination en raison de l’état de santé de son employé.

M. DIOP Ousmane
Auditeur-consultant en Management des Ressources Humaines et Droit Social


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