Le Sénégal peine dans l'application de ses Instrument Juridiques Internationaux sur les Droits Humains
Souvenons-nous de cette fameuse assertion : " Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droit".
Depuis son accession à l’indépendance, le Sénégal a marqué sa volonté de
mettre en place un Etat fondé sur la primauté du droit et des droits humains.
Toute sa législation est empreinte de l’esprit de la Conférence de Lagos de
janvier 1961 sur la primauté du droit.
De cette rencontre, il résulte que « la primauté du droit est devenu un
principe qui doit être mis en œuvre pour faire prévaloir la volonté du peuple,
consolider les droits politiques de l’individu et réaliser les conditions
économiques, sociales et culturelles adaptées aux aspirations et propres à
l’épanouissement de la personne humaine dans tous les pays, qu’ils soient ou
non indépendants ».
Cependant au Sénégal, la question de
l’application des instruments juridiques internationaux se posent avec de plus
en plus d’acuité dans notre quotidien, au regard des violations flagrantes sur
les droits humains. Une
application bien sûre qui supposerait une sanction sévère à chaque fois que
l’on assisterait à leur violation.
Dés lors, plusieurs interrogations restent suspendues sur les lèvres
parmi lesquelles, celles de l’identification
de ces instruments juridiques internationaux, de leur crédibilité ou
encore de leur garantie.
Quels
sont ces Instruments juridiques Internationaux
majeurs sur les Droits Humains ?
Le préambule de la constitution du
22 janvier 2001 rappelle l’adhésion du Sénégal à la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l’
Organisation des Nations-Unies, notamment la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme du 10 Décembre 1948, la convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 Décembre 1979, la
Convention Internationale sur les Droits de l’enfant du 20 Novembre 1989 et la
Charte Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples du 27 Juin 1981.
A cela s’ajoute, les nombreux pactes et protocoles sur les droits civils
et politiques, sur les droits économiques, sociaux et culturels, sur la
prévention et la répression du crime de génocide, sur les réfugiés, sur la torture,
etc.
Le Sénégal a pratiquement ratifié
et approuvé tous les instruments juridiques internationaux majeurs qui concourent au respect et à la
protection de la dignité humaine.
Ces
Droits Humains ont-elles une reconnaissance au Sénégal ?
Le texte fondamental, adopté par référendum le 7 janvier 2001, proclame
dans son préambule que « la construction nationale repose sur la
liberté individuelle et le respect de la personne humaine » et que «
le respect des libertés fondamentales et des droits du citoyen est une base de
la société sénégalaise ». Or, le préambule, étant une partie intégrante de
la constitution donc du bloc de constitutionnalité, par conséquent, nous ne pouvons
nier la reconnaissance de ces droits puisque la constitution sénégalaise est
inscrite comme la charte fondamentale dans la hiérarchie pyramidale des normes
juridiques. Par ailleurs, cette reconnaissance des droits humains est également
portée par les organismes de défense des droits de l’homme qui se sont chargés
de faire sa promotion.
Cependant, il serait important de préciser qu’en posant la question de la
reconnaissance des droits humains, nous soulevons à la fois la question de leur
valeur juridique et en en même celle de
leur effectivité, eu égard au droit interne positif sénégalais.
Au regard de ces dispositions, nous pouvons sans fioriture soutenir qu’un
tél engagement n’est pas sans lien avec l’évolution de la société
internationale qui a connu un foisonnement remarquable des droits humains
depuis la seconde guerre mondiale, même s’il reste encore des sentiers à
explorer.
Le respect des droits humains est à présent devenu un
des critères « d’évaluation des sociétés et de leur degré de civilisation »,
cause pour laquelle, nos politiques doivent de plus en plus, développer une
attitude intègre sur ces questions.
Ces
Droits Humains sont-ils garantis ?
Quatre types de garanties méritent d’être retenus :
D’abord, le pouvoir judiciaire qui
est expressément élevé au rang de gardien des droits et libertés fondamentales
(article 91 de la constitution).
Ce qui signifie que l’indépendance du juge devient un élément déterminant de la
crédibilité du système de protection des droits fondamentaux (article 88 de la constitution), en
vertu du principe de l’inamovibilité des magistrats du siège. Le juge exerce ce
rôle de gardien des droits grâce à un double contrôle : le contrôle de la
constitutionnalité des lois qui relève de la compétence exclusive du Conseil
constitutionnel, par voie d’action ou d’exception, et le contrôle de légalité
par la voie du recours pour excès de pouvoir porté devant le Conseil d’Etat ou
de l’exception d’illégalité ouverte devant tous les juges.
Ensuite,
le droit international, source la plus importante des droits humains, a valeur
supérieure aux lois internes ;
celles-ci sont soumises à celui-là et le juge a la compétence d’écarter
l’application des lois contraires aux règles internationales. Il faut remarquer
que l’application des textes internationaux implique le droit pour les citoyens
d’utiliser les mécanismes juridictionnels et non juridictionnels supranationaux
dont la dernière en date est la Cour Africaine des Droits de l’Homme entrée en
vigueur le 25 janvier 2004.
Aussi,
le principe de la séparation des pouvoirs, gage de l’indépendance du pouvoir
judiciaire, est en même temps la garantie du respect des lois de protection des
droits humains dans la mesure où les règles (et pas seulement
les principes) relatives aux droits civiques et aux garanties fondamentales
accordées aux citoyens relèvent du domaine législatif ; il en résulte notamment
que le pouvoir réglementaire, soumis à la loi, est justiciable du contrôle de
légalité. Le législateur a adopté une multitude de textes relevant directement
ou indirectement du champ des droits humains (Code de la famille, Code pénal,
Code de procédure pénale, Code de procédure civile, Code du travail, etc.).
Enfin,
la formalisation textuelle des droits humains est accompagnée d’un dispositif
institutionnel public mis en œuvre ou tout au moins d’alerte sur les cas de violation. Il faut noter de ce
point de vue l’adoption de plusieurs lois instituant des autorités
administratives indépendantes : Médiature de la République, Conseil National de
Régulation de l’Audiovisuel, Comité
Electoral National Autonome …En même temps, l’Etat a multiplié les
organes d’appui à la gestion des droits humains, interfaces entre les pouvoirs
publics et les citoyens et surtout les organisations de la société civile ; l’on notera à cet égard la création du
Comité Sénégalais des Droits de l’Homme, de la Ligue Sénégalaise des Droits de
l’Homme, auxquels s’ajoutent Amnesty International et la Rencontre Africaine
pour la Défense des Droits de l’Homme qui ont une dimension internationale et
qui ont contribué à l’amélioration sensible de la situation des droits
humains au Sénégal même s’ils subissent quelques fois une pression des pouvoirs
publics, dans l’exécution de leur mission.
Mais, malgré la mise sur pied d’un tel dispositif juridique
pour la reconnaissance, le respect et la garantie des droits humains,
force est de reconnaitre que le Sénégal a aujourd’hui beaucoup pêché quant à
l’application sérieuse de ces normes. Une
application bien sûre qui supposerait une sanction sévère à chaque fois que
l’on assiste à leur violation.
Quelles
sont les difficultés qui se posent à l’application effective de ces instruments
internationaux ?
Elles sont de plusieurs ordres, ces difficultés. Dans notre
analyse, deux questions nous semblent évidentes d’évoquer. L’une portera
sur l’insertion de ces instruments
internationaux dans les ordres juridiques internes et l’autre sur leur
invocabilité par les ressortissants des Etats signataires. La première ne pose
pas trop de problèmes mais la seconde, souvent très difficile à appréhender se
résume à la saisine des juridictions communautaires par les particuliers.
Devant cette situation l’application diffère, selon qu’il
s’agit du droit primaire ou du droit dérivé.
Médiate pour le premier qui soutient que l’application
d’une norme d’origine conventionnelle soit subordonnée à sa réception par les
organes étatiques compétents. Autrement dit, la procédure d’application du
droit primaire s’avère souvent trop lente, d’abord, il faut une conclusion de
la convention qui comprend la négociation et la signature à moins qu’il ne
s’agisse d’adhérer à une convention existante, ensuite, il faut une
autorisation de ratification donnée par l’Assemblée Nationale si c’est un
régime de parlement monocaméral et enfin une publication pour que les tiers en
aient connaissance.
Immédiate pour le second, c'est-à-dire que le droit privé exige
l’interdiction de toute transformation et de toute procédure aux États dés réception
des instruments. Dés lors, ces derniers pénètrent dans l’ordre juridique
interne sans le secours d’aucune norme nationale.
Abordant la question de l’invocabilité, il semble utile de
la survoler sous l’angle du droit comparé, qui s’avère éclairant à plus d’un
titre. Cela nous amènerait à nous poser la question du régime du système
juridique interne sénégalais selon qu’il ait opté pour le dualisme ou le
monisme.
Le premier cas atteste que le droit international et le
droit interne constituent des ordres juridiques distincts, indépendants et
égaux. Le premier s’adresse aux organes de l’Etat chargés des relations
internationales et non aux particuliers pour lesquels il n’établit directement
ni droits ni obligations. L’effet interne qu’il peut produire n’est que virtuel
et indirect, il faut un double mécanisme de réception et de transposition.
Le second cas prône
l’unité du système juridique avec une prééminence du droit international. Donc,
une reconnaissance du droit international et son applicabilité dans l’ordre
interne et une place supérieure à celle des lois internes. Mais malheureusement
le droit interne n’assure pas toujours l’efficacité de cette hiérarchie.
Me. DIOP Ousmane, Juriste en Environnement_QHS
Courriel: jacquesousmane@live.fr
jacquesousmane2014@gmail.com
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